Une lecture poétique de textes de Tadeusz Kantor donnée comme « une hésitation prolongée entre le son et le sens ».  A partir de textes issus du Journal du metteur en scène, de partitions de ses spectacles, de manifestes et textes poétiques, nous créons une construction éphémère et hybride, une ébauche du portrait de l’artiste.

Traducteurs :  Eric Veaux, Marie-Thèrese Vido-Rzewuska

Nous renonçons à la scène et par là aussi à une création de l’illusion. Ainsi le rapport aux spectateurs est aboli, déplacé plutôt vers une situation réelle – de la vie.

L’action se passe dans une auberge louche où les gens se réunissent en attente d’un événement – une rencontre avec le mort, le grand disparu, le cher absent –Tadeusz Kantor ou au moins avec ses textes encore une fois ressuscités pour la mémoire.  Mais ceux qui se veulent « passeurs » sont des personnages usurpateurs, « pris en location » mal distribués, des créatures semblables aux spectateurs, dépourvues d’une théâtralité qui pourrait rendre leurs actions « honorables » et « crédibles ». Et pourtant, ils s’obstinent à jouer avec le texte qui souvent leur échappe,  se dérobe à leur sens de compréhension. D’ailleurs ils ne jouent pas. Ils en font les tentatives pour les abandonner aussitôt. Ils s’attaquent aux actions issues des spectacles de Kantor, dont ils se souviennent souvent très mal et seulement par bribes. Ils vont opérer dans ce monde fragmentaire, vont employer des lambeaux des textes, dont on ressent qu’ils appartenaient à un passé, et renfermaient des possibilités pour le futur. C’est bien périlleux et risqué de vouloir déconcerter le spectateur, de ne rien lui donner, sauf la répétition insensée de certains clichés de mots issus des spectacles. Mais c’est justement cela la méthode elle-même prônée par l’homme de théâtre de Cracovie :
Comment on se souvient ? Quelle est la nature du processus de la mémoire ?